La prise en compte de la famille sous l'angle des prestations dans les différentes lois d'assurances sociales

Si aucun texte légal ne définit la notion de famille, celle-ci apparaît cependant dans plusieurs textes juridiques. Ainsi l’art. 16 al. 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 mentionne : « La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’Etat ». Les articles 14 Cst, 12 CEDH et 23 al. 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l’ONU) garantissent le droit au mariage et à la famille.L’art. 41 al.1 lit. c Cst prévoit que « les familles en tant que communautés d’adultes et d’enfants soient protégées et encouragées». L’art. 11 Cst introduit un droit des enfants et des jeunes « à une protection particulière de leur intégrité et à l’encouragement de leur développement » ainsi qu’à « un libre exercice de leurs droits dans la mesure où ils sont capables de discernement ».

Jusqu’au début du 20e siècle, le droit de la famille est, pour l’essentiel, de compétence cantonale. Lorsque le Code civil entre en vigueur au 1er janvier 1912, le mari est le chef de l’union conjugale. Il choisit la demeure commune, pourvoit à l'entretien de la famille, principalement par son activité lucrative1. A cette époque, le modèle de la famille bourgeoise prévaut, soit un homme exerçant une activité professionnelle et une épouse s’occupant des tâches domestiques, des enfants et des autres membres de la famille. Cette conception de la famille influencera tout naturellement la législation en matière d’assurances sociales qui se développe principalement à partir de la fin de la Deuxième Guerre mondiale2. Dans les lignes qui suivent, nous indiquerons, uniquement sous l’angle des prestations, de quelle manière la famille est prise en compte dans les différentes lois d’assurances sociales.

L’assurance militaire

L’assurance militaire présente la particularité que non seulement le conjoint, les enfants, mais aussi le père et la mère du patient décédé d’une affection assurée ont droit à une rente de survivants s’élevant à une partie du gain annuel assuré du défunt3. La rente du conjoint est versée à vie, sous réserve du remariage du conjoint. Le conjoint divorcé n’a droit à une rente que si le défunt était tenu, au moment du décès, de lui fournir des aliments4. Le droit à la rente d’orphelins prend naissance le premier jour du mois suivant le décès du parent assuré. Il s’éteint à l’âge de 18 ans révolus, excepté pour les enfants en formation (leur droit subsiste au plus tard jusqu’à l’âge de 25 ans révolus). Si le défunt n’a ni conjoint ni enfant ayant droit à une rente ou que le droit de ceux-ci à une telle prestation a pris fin, le père et la mère du défunt ont droit à une rente s’ils en ont besoin.

Les allocations familiales

Les allocations familiales sont destinées à compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants. Elles comprennent les allocations pour enfant ainsi que les allocations de formation professionnelle (versées au plus tard jusqu’à 25 ans révolus). La loi fédérale sur les allocations familiales dans l’agriculture prévoit en sus des allocations mentionnées ci-dessus des allocations de ménage. Certains cantons les prévoient également pour les travailleurs de même que les allocations de naissance.

L’assurance-maladie

Le système actuel, contrairement à d’autres pays, prévoit une affiliation individuelle et la famille ne peut en tant qu’unité s’assurer. Cependant, l’assurance-maladie fédérale (LAMal) mentionne que les enfants et les jeunes adultes bénéficient d’une prime plus basse que celle des autres assurés et que celle des enfants soit inférieure à celle des jeunes adultes. Les cantons, en fonction du revenu, réduisent de 80 % au moins les primes des enfants et de 50 % au moins celles des jeunes adultes en formation5.

La LAMal prend en charge aussi des prestations spécifiques de maternité exemptes de franchise et de participation (examens de contrôle, accouchement à domicile, dans un hôpital ou dans une maison de naissance ainsi que l’assistance d’un médecin ou d’une sage-femme, conseils nécessaires en cas d’allaitement ainsi que les soins accordés au nouveau-né en bonne santé et son séjour, tant qu’il demeure à l’hôpital avec sa mère)6.

L’assurance-accidents

Si l’assurance-accidents relève d’une affiliation individuelle, les prestations versées peuvent concerner la famille de l’assuré. C’est notamment le cas lors du décès de l’assuré7 : sous certaines conditions, le conjoint survivant et les enfants ont droit à des rentes de survivants. Le conjoint survivant peut dans certains cas bénéficier d’une indemnité en capital.

En cas d’hospitalisation, l’indemnité journalière ne subit aucune déduction pour les assurés mariés ou les personnes seules ayant à leur charge des enfants mineurs ou qui font un apprentissage ou des études. Le fait que l’assuré ait une charge de famille permet de limiter le taux de réduction des prestations en cas de faute grave. L’assureur peut, dans certains cas, renoncer totalement ou partiellement à la réduction dans les cas pénibles8.

Si le bénéficiaire d’une rente d’invalidité a disparu alors qu’il était en danger de mort, ou s’il s’est absenté depuis longtemps sans donner signe de vie et si l’AVS ne verse pas de rentes de survivants, l’assureur peut continuer de verser la rente d’invalidité au conjoint et aux enfants, pendant deux ans au plus9.

L’assurance-chômage

Contrairement au régime de l’assurance-accidents, la cotisation de l’assurance-chômage n’ouvre des droits qu’à la personne assurée. Cependant, la loi tient compte de la période d’éducation consacrée à l’enfant.

Ainsi, le délai-cadre d’indemnisation de l’assuré qui s’est consacré à l’éducation de son enfant est prolongé de deux ans si un délai-cadre d’indemnisation courait au début de la période éducative consacrée à un enfant de moins de dix ans et si, à sa réinscription, l’assuré ne justifie pas d’une période de cotisation suffisante. Le délai-cadre de cotisation de l’assuré qui s’est consacré à l’éducation de son enfant est de quatre ans si aucun délai-cadre d’indemnisation ne courait au début de la période éducative consacrée à un enfant de moins de dix ans. Toute naissance subséquente entraîne une prolongation de deux ans au maximum. Ces périodes ne sont applicables, pour une même période éducative, qu’à un seul des deux parents et pour un seul enfant. Compte également comme période de cotisation le temps durant lequel l’assurée a interrompu son travail pour cause de maternité, dans la mesure où ces absences sont prescrites par les dispositions de protection des travailleurs ou sont conformes aux clauses des conventions collectives de travail. Sont également libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, par suite de séparation de corps ou de divorce, d’invalidité ou de mort de leur conjoint ou pour des raisons semblables ou pour cause de suppression de leur rente d’invalidité, sont contraintes d’exercer une activité salariée ou de l’étendre10.

L’assurance-vieillesse et survivants

Les veuves et les veufs ont droit à une rente si, au décès de leur conjoint, ils ont un ou plusieurs enfants. Les veuves ont droit à une rente si, au décès de leur conjoint, elles n’ont pas d’enfant ou d’enfant recueilli, mais qu’elles ont atteint 45 ans révolus et ont été mariées pendant cinq ans au moins. Le droit à la rente de veuf s’éteint lorsque le dernier enfant atteint l’âge de 18 ans. La personne divorcée, à certaines conditions, est assimilée à une veuve ou à un veuf. Les personnes auxquelles une rente de vieillesse a été allouée ont droit à une rente pour chaque enfant, qui deviendrait orphelin si elles décédaient. Les enfants dont le père ou la mère est décédé ont droit à une rente d’orphelin. En cas de décès des deux parents, ils ont droit à deux rentes d’orphelin. Le droit à une rente d’orphelin prend naissance le premier jour du mois suivant le décès du père ou de la mère. Il s’éteint au 18e anniversaire (à 25 ans au plus tard pour les enfants en formation) ou au décès de l’orphelin11.

Les assurés peuvent prétendre à une bonification pour tâches éducatives pour les années durant lesquelles ils exercent l’autorité parentale sur un ou plusieurs enfants âgés de moins de 16 ans. Les assurés qui prennent en charge des parents de ligne ascendante ou descendante ou des frères et sœurs au bénéfice d’une allocation de l’AVS, de l’AI, de l’assurance-accidents obligatoire ou de l’assurance militaire pour une impotence de degré moyen au moins ont droit à une bonification pour tâches d’assistance, à condition qu’ils puissent se déplacer facilement auprès de la personne prise en charge12.

La prévoyance professionnelle

La cotisation de l’assuré ouvre le droit aux prestations aux rentes pour enfants ainsi qu’aux prestations pour survivants. Le conjoint survivant ou le partenaire enregistré survivant ont droit à une rente si, au décès de son conjoint, il a au moins un enfant à charge ou a atteint l’âge de 45 ans et le mariage a duré au moins cinq ans. Le conjoint survivant qui ne remplit pas les conditions ci-dessus a droit à une allocation unique égale à trois rentes annuelles. Le conjoint divorcé est assimilé au veuf ou à la veuve en cas de décès de son ancien conjoint à la condition que son mariage ait duré dix ans au moins et qu’une rente lui ait été octroyée lors du divorce. L’ex-partenaire enregistré est assimilé au veuf ou à la veuve en cas de décès de son ancien partenaire enregistré à la condition que son partenariat enregistré ait duré dix ans au moins et qu’une rente lui ait été octroyée lors de la dissolution judiciaire du partenariat enregistré13.

Les allocations pour perte de gain en cas de service, de maternité et de paternité

Les personnes qui font du service ont droit à une allocation pour chaque enfant qui n’a pas encore accompli sa 18e année. Pour les enfants qui font un apprentissage ou des études, le droit à l’allocation dure jusqu’à l’accomplissement de leur 25e année. Les personnes qui font du service et qui vivent en ménage commun avec un ou plusieurs enfants de moins de 16 ans ont droit à une allocation pour frais de garde si elles établissent que des coûts supplémentaires pour de tels frais sont occasionnés par l’accomplissement d’une période de service de deux jours consécutifs au moins. Les personnes qui font du service et qui travaillent dans une exploitation agricole comme membres de la famille de l’exploitant peuvent prétendre à l’allocation d’exploitation s’il faut engager un remplaçant pendant qu’elles accomplissent un service d’une certaine durée. Dans les services de longue durée ou en service long en vue de l’obtention d’un grade supérieur ou d’une nouvelle fonction, l’allocation journalière totale varie en fonction du nombre d’enfants de l’assuré14.

Concernant l’assurance maternité15, le droit à l’allocation prend effet le jour de l’accouchement et s’éteint le 98e jour à partir du jour duquel il a été octroyé. Il prend fin avant ce terme si la mère reprend une activité lucrative ou si elle décède. L’assurance-paternité16 prévoit, à partir du 1er janvier 2021, un congé payé de 2 semaines financé par les allocations perte de gain. Celui-ci doit être pris dans les six mois suivant la naissance de l’enfant.

Conclusion

La famille continue de jouer un rôle important dans le domaine des assurances sociales bien que le modèle choisi corresponde encore à celui du début du 20e siècle17. Nous aurions pu encore plus étayer cet aspect en tenant compte des cotisations versées. On observera cependant que la votation du 26 septembre 2021 a vu apparaître une nouvelle forme de famille (et de nouvelles prestations en matière d’assurances sociales) avec l’acceptation du mariage pour tous et l'accès au don de sperme des couples de femmes mariées. Ainsi, si la mère est mariée à une femme au moment de la naissance et si l’enfant a été conçu au moyen d’un don de sperme conformément aux dispositions de la LPMA18, l’épouse de la mère est l’autre parent de l’enfant19.

Philippe Gnaegi, directeur de Pro Familia Suisse
Schulthess Edition Romandes - droit du travail et des assurance sociales

 

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